Pourquoi le niveau d’anglais chute (encore) en France ?

La baisse du niveau d’anglais en France atteint un seuil préoccupant. Pour la quatrième année consécutive, nous observons un déclin qui place désormais notre pays à la 49ème position mondiale, contre la 44ème l’an dernier. En effet, les données sont alarmantes : le niveau d’anglais des Français a chuté de 7 points par rapport à l’année précédente, s’inscrivant dans une tendance mondiale où 60% des pays enregistrent des résultats légèrement inférieurs.

Ce phénomène soulève de nombreuses questions sur notre système éducatif et notre rapport à l’apprentissage des langues. Comment améliorer l’anglais dans un contexte où l’enseignement théorique semble déconnecté des usages réels ? Le niveau d’anglais en fin de lycée reste insuffisant malgré l’introduction de l’apprentissage dès l’école primaire. Cependant, quelques signaux positifs émergent, notamment la stabilisation du niveau chez les jeunes diplômés après plusieurs années de baisse. Par ailleurs, les femmes françaises affichent de meilleures performances que les hommes, avec un score moyen de 530 contre 519.

Dans cet article, nous analyserons les causes de cette situation préoccupante, tout en explorant les pistes d’amélioration possibles pour inverser cette tendance qui nous éloigne de nos voisins européens comme la Belgique, solidement ancrée à la 7ème place mondiale.

Un classement mondial qui interpelle

La France à la 49e place en 2024

Le constat est sans appel : l’indice de compétence en anglais de 2024 place la France au 49ème rang mondial sur 116 pays. Cette position représente un recul significatif par rapport à l’année précédente où nous étions 44èmes. Notre score global s’établit à 524 points, correspondant à un niveau moyen (B2) selon les critères d’évaluation internationaux. Cette baisse du niveau d’anglais s’avère particulièrement préoccupante puisque la France a perdu 7 points par rapport à l’année dernière, s’inscrivant dans une tendance mondiale où 60% des pays obtiennent des résultats inférieurs à ceux de l’année précédente.

L’étude, réalisée par Education First (EF), s’appuie sur les résultats des tests passés par 2,1 millions de personnes non-anglophones âgées de plus de 18 ans à travers le monde. Ces données révèlent également une particularité française : nous sommes l’un des rares pays européens où les femmes démontrent un meilleur niveau d’anglais que les hommes, avec un score moyen de 530 contre 519 pour les hommes.

Comparaison avec les pays européens

À l’échelle européenne, la situation est encore plus alarmante. La France se classe 33ème sur 35 pays, devançant seulement la Turquie et l’Azerbaïdjan. Cette position nous place loin derrière nos voisins directs et concurrents économiques. En effet, parmi les quatre plus grandes économies de la zone euro, seule l’Allemagne maîtrise véritablement bien l’anglais.

Les Pays-Bas conservent la première place mondiale pour la sixième année consécutive, suivis de près par la Norvège et Singapour. Le Portugal, culturellement plus proche de nous, affiche également des résultats bien supérieurs, prouvant qu’un pays latin peut exceller dans l’apprentissage de l’anglais. Bien que nous fassions légèrement mieux que l’Italie (46ème) et l’Espagne (36ème) au niveau mondial, ces derniers montrent des signes d’amélioration quand notre niveau continue de chuter.

Par ailleurs, plusieurs pays d’Europe de l’Est comme la Pologne, la Roumanie et la République Tchèque nous devancent désormais, renversant l’ordre établi qu’on aurait pu imaginer il y a quelques décennies. Ainsi, nous nous retrouvons en queue de peloton européen, alors même que l’Union européenne comprend 23 des 30 pays les mieux classés dans le monde.

Évolution du classement sur 4 ans

L’analyse chronologique révèle une tendance inquiétante : pour la quatrième année consécutive, le niveau d’anglais des Français est en baisse. Cette régression constante mérite d’être examinée dans son contexte historique. Après cinq années d’amélioration progressive, la France était entrée pour la première fois en 2020 dans la classe des pays à compétence « élevée », atteignant la 28ème place mondiale.

Cette embellie s’était confirmée en 2021, avec une 31ème place maintenue malgré l’élargissement du classement à davantage de pays. Toutefois, cette progression a été de courte durée. Notre niveau s’est dégradé de manière importante en 2022, puis à nouveau en 2023, pour atteindre la situation actuelle.

Cependant, tout n’est pas négatif. Un signal encourageant émerge : le niveau d’anglais des jeunes diplômés n’est plus en déclin. En effet, la longue tendance à la baisse des compétences dans la tranche des 18-20 ans s’est stabilisée cette année, offrant une lueur d’espoir pour l’avenir. Ce constat contredit la tendance générale observée depuis 2015, où ce groupe d’âge avait perdu 89 points.

Ces résultats, malgré leur aspect préoccupant, doivent nous amener à réfléchir sur les moyens d’inverser cette tendance et d’améliorer notre maîtrise collective de l’anglais.

Les causes pédagogiques du déclin

Au-delà des chiffres alarmants du classement mondial, les raisons fondamentales de la baisse du niveau d’anglais en France trouvent leurs racines dans notre système éducatif. Plusieurs facteurs pédagogiques expliquent pourquoi, malgré des années d’apprentissage, les résultats demeurent insuffisants.

Un apprentissage trop théorique

L’approche française de l’enseignement des langues privilégie traditionnellement la grammaire et l’écrit au détriment de l’usage pratique. Selon une étude du Centre national d’étude des systèmes scolaires, près de 75% des élèves de fin de collège n’arrivent pas à s’exprimer à l’oral après plusieurs années d’apprentissage. Cette méthode crée certes des bases grammaticales solides, mais ne favorise pas la fluidité et la confiance nécessaires à la communication réelle.

En primaire, les cours se concentrent souvent sur le lexique basique (couleurs, jours de la semaine) plutôt que sur la phonologie et l’expression orale. Par ailleurs, seuls 10% des professeurs du primaire sont issus de filières de langues étrangères, ce qui signifie que la majorité des enseignants ne possèdent pas la formation spécialisée nécessaire pour transmettre efficacement une langue étrangère.

Le décalage entre l’anglais enseigné et l’anglais utilisé dans la vie quotidienne est également manifeste. L’exposition naturelle à l’anglais reste limitée en France, notamment parce que la plupart des émissions étrangères sont doublées au lieu d’être sous-titrées, contrairement à d’autres pays européens où le sous-titrage est privilégié.

Manque de pratique orale en classe

Bien que les élèves français aient un nombre d’heures de cours de langue plus élevé que dans la plupart des pays de l’OCDE (54 heures par an en primaire et plus de 150 heures par an dans le second degré), ces heures sont rarement consacrées à la pratique orale.

Un enfant reçoit en moyenne 90 heures de cours d’anglais par an, dans une classe de 30 élèves. En soustrayant le temps de parole du professeur, un élève ne s’exprime qu’environ 1h30 par an en anglais. Ainsi, après huit ans d’apprentissage, beaucoup de jeunes ne peuvent formuler que quelques phrases simples, comme en témoigne Robin : « En France on ne fait qu’une heure, par ci par là, ce n’est pas assez intensif pour apprendre comme il faudrait ».

Par conséquent, neuf jeunes sur dix se sentent mal à l’aise lorsqu’on leur parle anglais dans la rue de manière imprévue. Ce manque de pratique régulière contribue considérablement au niveau d’anglais en fin de lycée insuffisant pour de nombreux élèves.

Des classes surchargées limitant l’expression

La taille des classes constitue un obstacle majeur à l’apprentissage efficace des langues. Avec une moyenne nationale de 25,6 élèves par classe au collège, la France détient le triste record des classes les plus chargées d’Europe. Dans le premier cycle de l’enseignement secondaire, la moyenne française grimpe à 25,6 pour 22,8 au niveau européen.

En revanche, les pays nordiques, qui excellent dans l’apprentissage de l’anglais, intègrent dès le début des exercices de conversation active, des jeux de rôle et des échanges linguistiques avec des pays anglophones. Ces méthodes encouragent non seulement l’acquisition de compétences, mais aussi la confiance nécessaire pour s’exprimer sans crainte de faire des erreurs.

Pour vraiment améliorer l’anglais en France, plusieurs pistes sont envisagées par les experts : proposer des cours plus courts mais plus fréquents (séances quotidiennes de 20-25 minutes au primaire), développer l’enseignement des disciplines non linguistiques en anglais, et augmenter les opportunités d’immersion et de mobilité internationale. Toutefois, sans modification profonde de l’approche pédagogique, ces mesures risquent d’avoir un impact limité.

Un système éducatif en décalage avec les besoins

Le problème fondamental de notre système éducatif ne se limite pas à une question de méthodes pédagogiques. En réalité, c’est tout l’écosystème d’apprentissage qui semble déconnecté des besoins réels des apprenants et du marché du travail.

L’anglais enseigné vs. l’anglais utilisé

L’une des principales problématiques qui explique la baisse du niveau d’anglais en France est le fossé qui sépare l’anglais enseigné dans le cadre scolaire et celui utilisé dans un contexte professionnel ou quotidien. Nos programmes scolaires privilégient un anglais académique, souvent axé sur la grammaire et l’écrit, qui prépare insuffisamment les élèves aux interactions authentiques. En effet, la France a longtemps considéré l’anglais comme une langue essentiellement littéraire, ce qui explique pourquoi de nombreux Français ont parfois un niveau acceptable à l’écrit mais éprouvent des difficultés considérables à l’oral. Ainsi, même après des années d’études, beaucoup d’apprenants se retrouvent démunis face à une conversation spontanée.

Peu de lien avec les situations réelles

Par ailleurs, les opportunités de pratiquer l’anglais dans des situations authentiques demeurent exceptionnellement rares dans le contexte scolaire français. Dans une classe comptant 30 élèves, le temps de parole individuel devient extrêmement limité, rendant l’acquisition de compétences conversationnelles pratiquement impossible. Le contexte d’apprentissage lui-même pose problème : entre le stress des examens et l’angoisse de passer au tableau, les conditions ne sont certainement pas idéales pour développer une aisance linguistique. De plus, contrairement à ce qui se pratique dans d’autres pays européens, le manque d’immersion pendant les cours d’anglais reste un obstacle majeur. L’absence de situations réelles d’échanges constitue donc un frein considérable au développement des compétences linguistiques des élèves français.

Niveau d’anglais en fin de lycée : un indicateur révélateur

Le niveau anglais en fin de lycée constitue un baromètre particulièrement révélateur de ces dysfonctionnements. Bien que le niveau B2 (utilisateur indépendant avancé) soit officiellement attendu pour la LVA au baccalauréat, la réalité est bien différente. Selon une étude de Cambridge, 48% des étudiants français ne possèdent qu’un niveau B1. Ce décalage entre les attentes officielles et les résultats réels illustre l’inefficacité de notre approche. En Terminale, les élèves devraient théoriquement être capables d’argumenter, de débattre et de partager des informations clairement en anglais. Or, la majorité peine à atteindre cette autonomie linguistique.

Cette situation s’avère particulièrement problématique car la maîtrise de l’anglais joue un rôle central pour les études supérieures et la future vie professionnelle des élèves. En effet, comment améliorer l’anglais sans réformer en profondeur nos méthodes d’enseignement ? Les expériences à l’étranger comme les programmes Erasmus, autrefois considérées comme exceptionnelles, deviennent désormais des prérequis pour de nombreux cursus scolaires et embauches professionnelles. Le système éducatif français, en ne préparant pas suffisamment les élèves à ces exigences, les place donc dans une situation défavorable pour leur avenir.

Facteurs culturels et psychologiques

Au-delà des défaillances structurelles, l’aspect psychologique joue un rôle déterminant dans la baisse du niveau d’anglais en France. Ces barrières mentales, souvent sous-estimées, constituent pourtant un frein majeur à l’apprentissage efficace d’une langue étrangère.

Peur de faire des erreurs

La hantise de la faute figure parmi les causes les plus courantes des blocages linguistiques chez les Français. Cette anxiété se manifeste physiquement par des sueurs, des tremblements ou une respiration rapide, pouvant évoluer vers une véritable phobie. Notre système éducatif, en mettant l’accent sur la grammaire et la littérature plutôt que sur la communication, renforce cette peur de l’erreur. Les apprenants craignent les annotations en rouge, les mauvaises notes et le regard réprobateur des professeurs. Cette appréhension persiste bien au-delà du cadre scolaire, notamment dans les situations formelles comme les entretiens d’embauche ou les présentations professionnelles.

Manque de confiance à l’oral

Par ailleurs, la confiance en soi constitue le moteur fondamental de la motivation dans l’apprentissage des langues. Comme l’affirmait Henry Ford, « Que vous pensiez être capable ou ne pas être capable, dans les deux cas, vous avez raison ». En effet, les apprenants confiants sont plus enclins à prendre des risques et à considérer les erreurs comme partie intégrante du processus d’apprentissage. Cependant, le perfectionnisme, trait souvent valorisé dans la culture française, devient paradoxalement un obstacle majeur. Les apprenants perfectionnistes s’imposent des normes extrêmement élevées et se critiquent sévèrement lorsqu’ils n’y répondent pas. Ainsi, à force de fuir les situations d’expression en anglais, la confiance s’effrite progressivement, créant un cercle vicieux particulièrement difficile à briser.

Perception de l’anglais comme élitiste

Enfin, la perception de l’anglais en France révèle un paradoxe culturel profond. D’une part, l’anglais est considéré comme un marqueur social distinctif, à l’instar du latin autrefois ou du français dans les cours européennes. Les classes supérieures françaises embrassent aujourd’hui l’anglais pour paraître « modernes », occuper les meilleures places et se distinguer socialement. D’autre part, cette perception élitiste génère chez beaucoup de Français un sentiment « d’auto-dénigrement » et une « honte de soi », attitudes typiques des groupes culturellement dominés. Cette ambivalence explique pourquoi certains considèrent que l’anglais n’est pas une langue importante pour eux, alors même que son utilité pratique est indéniable pour améliorer leur niveau d’anglais en fin de lycée et leurs perspectives professionnelles.

Des signaux positifs chez les jeunes

Toutefois, malgré le tableau préoccupant dressé jusqu’ici, quelques lueurs d’espoir apparaissent chez la jeune génération française. Ces évolutions positives méritent d’être analysées pour comprendre comment renverser la tendance générale.

Stabilisation du niveau chez les 18-20 ans

Après une longue période de déclin, le niveau d’anglais chez les jeunes adultes français montre enfin des signes de stabilisation. Cette évolution est particulièrement notable lorsqu’on considère que ce groupe d’âge avait perdu 89 points depuis 2015. Cette stabilisation récente contredit la tendance mondiale à la baisse observée chez les 18-20 ans dans plusieurs grands pays. Par ailleurs, les jeunes déclarent avoir un niveau d’anglais nettement supérieur à la moyenne nationale, puisque 30% d’entre eux jugent leur niveau satisfaisant contre seulement 21% pour l’ensemble des actifs.

Impact des contenus numériques anglophones

Cette amélioration s’explique en grande partie par l’exposition constante des jeunes aux contenus anglophones sur internet. En effet, l’ouverture culturelle via les réseaux sociaux et les plateformes de streaming a considérablement modifié leur rapport à l’anglais. Une récente étude révèle d’ailleurs que les étudiants surévaluent souvent leur niveau, signe d’un rapport plus décomplexé à cette langue. Les jeunes s’immergent naturellement dans la culture anglo-saxonne à travers leurs activités quotidiennes, notamment sur les réseaux sociaux où 55% des 18-34 ans publient soit en anglais et français, soit uniquement en anglais.

Comment améliorer l’anglais dès le lycée ?

Pour renforcer cette dynamique positive et améliorer le niveau anglais en fin de lycée, plusieurs méthodes efficaces sont plébiscitées. Les experts recommandent en priorité les séjours à l’étranger (34%), la réduction de la taille des classes (32%) et l’intervention de professeurs anglophones (22%). Au quotidien, les lycéens peuvent délier leur langue en explorant leurs centres d’intérêt en anglais : regarder des séries en version originale avec sous-titres anglais, écouter des podcasts adaptés à leur niveau ou participer à des groupes de discussion. Cette approche crée un cercle vertueux où l’anglais devient un outil de gratification immédiate plutôt qu’une simple matière scolaire. Ainsi, 54% des actifs se disent même prêts à se former en dehors de leur temps de travail pour améliorer leur anglais.

La situation du niveau d’anglais en France présente indéniablement un tableau préoccupant. En effet, notre 49ème place mondiale reflète un déclin continu qui nous positionne en queue de peloton européen. Néanmoins, la stabilisation récente observée chez les 18-20 ans offre une lueur d’espoir significative pour l’avenir. Cette génération, naturellement immergée dans la culture anglophone via les médias numériques, développe un rapport plus décomplexé à la langue de Shakespeare.

Au-delà des chiffres, les causes profondes de cette baisse sont désormais identifiées. D’une part, notre système éducatif privilégie encore trop l’apprentissage théorique au détriment de la pratique orale. D’autre part, les classes surchargées limitent considérablement les opportunités d’expression individuelle. À cela s’ajoutent des facteurs psychologiques non négligeables tels que la peur de l’erreur et le perfectionnisme, traits caractéristiques de l’approche française.

Pour inverser cette tendance, une transformation profonde s’impose. Premièrement, l’enseignement doit évoluer vers plus d’immersion et de mise en situation réelle. Deuxièmement, le rapport culturel à l’anglais mérite d’être repensé, non plus comme un marqueur social élitiste, mais comme un outil pratique accessible à tous. Enfin, les initiatives visant à réduire la taille des classes et à favoriser les échanges internationaux doivent être soutenues et amplifiées.

Nous pouvons donc raisonnablement espérer un redressement dans les années à venir, particulièrement si les tendances positives observées chez les jeunes se confirment. Toutefois, ce redressement dépendra largement de notre capacité collective à surmonter nos blocages culturels et à repenser fondamentalement notre approche de l’enseignement des langues. Le défi est de taille, mais les bénéfices potentiels pour notre société et notre économie justifient amplement les efforts nécessaires.